Tout a commencé avec eux, avec Pif et Guérisseuse. Et tout a commencé où commence normalement ces choses : dans les cafétérias où je passais mon temps les après-midis et les soirées avec mon ami intime Miguel Angel Parra. Il voulait dessiner des B.D, et devant une bière, il était capable de raconter les histoires les plus amusantes que je n’avais jamais écoutées : des histoires de son village et des personnages qui y habitaient. Ses dessins me fascinaient de la même façon que son monde villageois et rural. Miguel Angel voulait reproduire ce monde sur le papier mais il ne savait pas comment le faire… Et de cette façon, avec le monde de Aldea surgit un monde perdu et fictif qui se base sur les rites et les mythes de la société rurale traditionnelle ; une excuse parfaite pour écrire les histoires que Miguel Angel rêvait de dessiner.

Il y a eu des premières pages d’un scénario qui ne s’est pas dessiné, et Pif et Guérisseuse sont nés ainsi que de nombreuses esquisses de personnages qui n’ont jamais vu le jour. Mais le monde d’Aldea que j’ai crée pour mon ami avait suscité définitivement mon intérêt et m’avait encouragé à tenter ma chance en dessinant une autre histoire développée dans ce même entourage. Le point de départ ne pouvait être plus faible : une fillette fascinée par la lune et l’image inquiétante d’un puits abandonné.

De cette façon surgit « Le signe de la Lune » une B .D de 24 pages que j’ai moi-même édité en 1995 avec un ridicule tirage de 150 exemplaires que je répartissais parmi mes amis, éditeurs et amateurs qui me l’avaient demandé. Un de ces amis fut José Luis Munuera : lui aussi voulait dessiner des B.D, mais avec une différence, il voulait le faire réellement. Et pendant que Miguel Angel et moi passions notre temps à penser ce que l’on voulait faire, José Luis avait déjà dessiné d’un coup son premier album monographique (« Il n’y a pas de dimanches à l’enfer » une aventure de Charles Norton), et avait voyagé au Salon d’Angoulême et initié ses premiers contacts professionnels dans le marché francobelge. Et je ne vais pas vous raconter le reste de son histoire parce que vous la connaissez très bien…

Mais il semble que la lune, le puits et le monde d’Aldea avaient aussi attrapé José Luis depuis ce moment. Quand au bout de tant d’années je décidai de changer cette B.D de 24 pages en un album, je n’avais pas les idées trop claires sur si cela valait la peine : y avait-il un matériel suffisant dans cette courte histoire pour soutenir un scénario plus long et plus solide ? Nous avons commencé à développer les personnages qui apparaissaient plus esquissés dans l’histoire originale, à fortifier leurs relations et leurs motivations, à créer de nouveaux conflits et tournures dramatiques…

Bref, ce qui avant était une simple idée, maintenant cette idée prenait corps. Et des 46 pages nous sommes passés à 62 et puis à 130 pages. Et si tout cela marche bien, sans doute le monde d’Aldea continuera à grandir.

En ce moment, ce qui manque réellement c’est que notre ami Miguel Angel commence définitivement cette B.D que tous attendons… "Pif" dans la version de MIguel Angel (1995)